ĐÈO VĂN LONG

Et autres Seigneurs de Laichau

France et Fédération Thaï

juillet1

 

La création de la Fédération Thaï et ses conséquences du point de vue français

 
 
Des témoins importants de l’époque – Jean Clauzel, Pierre Mesmer[1] -, en donnent une version crue et sans complaisance. 
 
 
Selon eux, la création d’une Fédération Thaï est une « construction très artificielle » d’un trio de conseillers, MM. Deligne, Rinner et Pontiche, auxquels succèdera Alexandre Ter Sarkissoff (compagnon de la libération, né en 1911, dont la vie est celle d’un baroudeur[2]) afin d’obtenir le concours des Thaïs contre les rebelles du Delta.
 
 
En effet, depuis le coup de force des Japonais du 9 mars 1945[3], l’anarchie s’est installée dans la région, à telle enseigne que Đèo Văn Long revînt de Kun Ming[4] pour rétablir l’ordre : le sien ; celui des Thaïs blancs.
 
 
Il parut évident aux conseillers que « l’incontournable » Đèo Văn Long soit le président de cette Fédération. Celle-ci, approuvée par les trois principales familles Thaïs (cf. biographie de Đèo Văn Long), se fonde sur une constitution.
 
 
Cette constitution s’ouvre sur un rappel de libertés ( "liberté d’expression, de réunion, égalité devant la loi" entre autres) qui sont pourtant bien éloignées des pratiques classiques des Sip Song Chau Thaï !
 
 
La gêne est patente chez M. Jean Clauzel qui écrit : « la France consacrait un système féodal, certes traditionnel, mais quand même très rétrograde »…La justice est assurée par les familles régnantes et, selon l’auteur, « les minorités ethniques, en fait majoritaires dans le pays, envoyaient quelques représentants sans pouvoirs, dans une assemblée fantôme ».
 
 
Les traditions féodales choquent les Français : les ressources (principalement l’opium, les cercles de jeu et la cession de patente commerciale) sont inégalement distribuées, privilégiant les chefferies au détriment de la santé, de l’éducation et de l’agriculture.
 
 
Monsieur Jean Clauzel rapporte ces chiffres, qui témoignent cependant d’une évolution dans la répartition budgétaire :
 
 
1948 :
Administration : 3 800 000 piastres
Santé : 340 000 piastres
Ecoles : 350 000 piastres
Agriculture : 350 000 piastres
 
 
1952 :
Administration : 4 200 000 piastres
Santé : 1 500 000 piastres
Ecoles : 1 500 000 piastres
Agriculture : 400 000 piastres[5]
 
 
 

 


[1] La France d’outre-mer (1930-1960), Jean Clauzel, Pierre Messmer, éd. Karthala.
[2] Il sera le dernier conseiller de Đèo Văn Long, puisque de Lattre de Tassigny le relèvera de ses fonctions à l’issue d’un imbroglio né de l’attitude de Marcel Bigeard. Celui-ci, ayant eu une entrevue directe avec Đèo Văn Long, vexera Sarkissoff. De Lattre de Tassigny ne choisira ni Bigeard ni Sarkissoff, qu’il privera au surplus de ses prérogatives !
[3] 1128 combattants français et indochinois y trouvèrent la mort
[4] Capitale de la province chinoise du Yunnan.
[5] S’il n’y a pas lieu à les remettre en question, compte tenu de l’extrême précision de l’ouvrage, il faut noter cependant que celui-ci ne cite pas ses sources sur ce point.

 

 

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Les Pavillons Noirs

juillet14

  

LES PAVILLONS NOIRS

 
Parmi les bandes ayant pu être identifiée, on trouve, entre autres, celles de :
  • Bao Giap
  • Doï Van Co
  • Les frères Ky : Luu Ky, Ba Ky, Luong Tam Ky, spécialisés dans la traite des femmes avec la Chine.
  • Dé Kieu
  • Dôc Nghû
  • Hoang Than Loï
  • Dé-Tham, dont la tête décapitée servira d’image d’Epinal sur les cartes postales destinées à la France métropolitaine.
 
Ces brigands, pillards et sans pitié, ne sont pas seulement des hors-la-loi insoumis. A l’origine, il s’agit de soldats chinois irréguliers, persona non grata en Chine, qui sont de fait une population immigrante peu désirée.
 
 

ORIGINE

 
 
Les Pavillons Noirs sont arrivés en 1864 dans le Tonkin, en leur qualité de « débris de l’insurrection du Sud de la Chine, dite des Taï-Pings qui avaient en vu le renversement de la dynastie mandchoue impériale ». Leur défaite fut alors principalement le fait des interventions française et anglaise : sans cela, leur insurrection eût abouti.
 
 
 
En raison de leur présence, l’empereur d’Annam, Tu Duc, appela l’empereur de Chine pour solliciter l’envoi de troupes pour éliminer ces rebelles.
 
 
Cependant, les troupes chinoises, peu entretenues et indisciplinées, s’allièrent avec les rebelles puis se divisèrent entre :
  • Les Pavillons Noirs, qui sont d’anciens soldats réguliers, sous les ordres de Luu Vinh Phuoc (1837- 1917).
  • Les Pavillons Jaunes, qui sont d’anciens Taï-Pings, sous les ordres de Phu Lane Si.
 
 
Ces troupes connaissent fort bien les spécificités de la région et s’évanouissent pour mieux réapparaître dans la région des Rivières Rouge, Noire et Claire. 
 
 
Dans une région couvrant la Chine, le Laos et le Vietnam cohabitent plusieurs bandes : les Pavillons Noirs, bien sûr, mais également les Pavillons Jaunes et les Pavillons Rouges (une seule bande au sud de la région, ce drapeau étant fixé beaucoup plus au sud).
 
 
Au sein de chaque drapeau, il existe des bandes. Au sommet de ces bandes, mais seulement parmi les Pavillons Noirs et les Pavillons Jaunes, il existe un chef, appelé Talahié ou Chounhié

 

LUU VINH PHUOC

 
L’empire d’Annam, toujours impuissant, se résous à conférer à Luu Vinh Phuoc un grade militaire élevé et à lui confier des soldats comme auxiliaires, à la condition qu’il chasse les Pavillons Jaunes. Son armée se compose en outre des milices des douze cantons des Sip Song Chau Thai.
 
 
En 1871, après avoir prêté main-forte au canton de Laichau pour repousser une invasion[1] des habitants des Sip Song Pahn-na[2], Luu Vinh Phuoc, comme l’usage lui permettait, prit deux fils adoptifs :
  • Đèo Văn Tri qui devînt le chef de la rive droite de la rivière noire.
  • Quang Phuong qui devînt le chef de la rive gauche de la rivière noire[3].
 
En 1879, les Pavillons Jaunes furent définitivement rejetés.
 
 
Dans l’intervalle, il tua les Français Francis Garnier, en 1873, et Henri-Laurent Rivière, en 1883.
 
 
Après le siège de Tuyen Quang et la paix de juin 1885, il conseilla Đèo Văn Tri et Quang Phuong de se rapprocher des Français.
 
 
Il se retira du Tonkin par la suite.
 
 

ONG BA

 
Sans doute le plus important des chefs de Pavillons Noirs établis dans la région de la Rivière Noire. Après le siège de Tuyen Quang, il ne s’est livré à aucun acte de guerre.
 
 
Exerçant l’autorité au nom du gouvernement annamite (comme le fit Luu Vinh Phuoc), il a assuré au pays une réelle tranquillité.
 
 
Il sut parler l’annamite et non le thaï.
 
 
Il rencontra Auguste Pavie à l’âge de 73 ans, quatre mois avant sa mort. Son corps a été emporté jusqu’en Chine afin de l’ensevelir là où il était né.

 

EXODE

 
A la mort d’Ong Ba, les Français étaient convaincus que le mieux était de ne donner aucun successeur aux Pavillons Noirs.
 
 
Les Pavillons Noirs quittèrent le Tonkin le 17 mars 1889.
 
 
Tous les passages sont tirés de : A la conquête des coeurs, Auguste pavie, éd. PUF.

 


[1] Peut-être celle des Shan.
[2] Probablement les Sip Song Punna ?
[3] Quang Phuong et Đèo Văn Tri se détestaient. En vérité, le premier avait avait voulu en vain épouser la sœur du second ! Quang Phuong avait par conséquent choisi le camp des Français auxquels il apporta toute son aide et particulièrement son soutien lors de l’attaque de la colonne Pernot en 1885. Si bien que le Général Munier le fit décorer et le nomma chef des Sip Song Chau Thaï. Mais il n’a jamais été considéré, Auguste Pavie relatant même que : « il laissa voir à nos officiers qu’un bas intérêt commandait en lui, que seuls touchaient les profits d’argent, et que, quoiqu’il fût soldat de métier, il avait peu goût aux risques de guerre. Il ne leur plut pas ; leur estime alla à leur adversaire, à Đèo Văn Tri, qu’ils jugeaient vaillant ». Il sera cependant décoré, à la mort d’Ong Ba, de la décoration du Dragon de l’Annam (voir section RESSOURCES / IMAGES). A cette occasion, comme la récompense n’allait pas grossir sa solde, Auguste Pavie témoigne que « il eût préféré l’argent à l’insigne ».

 

 

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